2013-09-01

Le dualisme du marché du travail

Priscilla Fialho

Ce projet de recherche a deux objectifs principaux. Premièrement, le but est d'analyser la décision d'embauche de l'entreprise et de comprendre dans quelles conditions l'entreprise décide de recruter, soit en offrant un contrat à durée déterminée (CDD), soit un contrat à durée indéterminée (CDI). Des éléments empiriques semblent montrer que la même entreprise offre un type de contrat différent selon les caractéristiques de l’employé. De même, il semble que le même individu peut bénéficier d'un contrat différent (CCD ou CDI), selon l'entreprise qui le recrute. Il est donc important de construire un modèle théorique du marché du travail capable de reproduire la segmentation des employés et des entreprises selon ces deux types de contrats, en fonction de leurs caractéristiques individuelles.

Le deuxième objectif de ce projet est d'utiliser ce modèle théorique pour évaluer l'impact économique de plusieurs interventions politiques, dans une économie qui dispose d'un marché du travail segmenté. Il s'agit plus particulièrement d'examiner les répercussions des deux points suivants : la diminution des coûts de licenciement liés aux CDI et l’augmentation de la durée légale maximale autorisée d'un CDD, y compris le nombre maximal de renouvellements.

La construction d'un modèle reproduisant de façon endogène la segmentation du marché du travail permettra de tirer des conclusions sur les conséquences de ces politiques et sur la décision d'embauche de l'entreprise, ainsi que sur les effets de sélection des individus et des entreprises pour les deux types de contrats. Ainsi, avec l'apparition d'un marché du travail à deux vitesses, avec d'un côté des individus en CDI hautement protégés, et d'un autre côté des individus vivant une situation de précarité de l’autre, de nouvelles propositions de réformes du marché du travail voient le jour, telles que la conception d'un contrat unique, où la protection de l'emploi augmente progressivement en fonction de la durée de permanence dans l’entreprise. Une compréhension aussi fine que possible des motivations qui poussent au recrutement en CDD plutôt qu'en CDI est nécessaire pour évaluer ces propositions.


Mise à jour (complément) :

Ce projet de recherche a pout objectif principal d’analyser la décision d'embauche de l'entreprise et de comprendre les conditions conduisant l'entreprise à effectuer un recrutement, soit en offrant un contrat à durée déterminée (CDD), soit un contrat à durée indéterminée (CDI).

A partir d'un modèle théorique qui sera développé, il sera possible d'évaluer l'impact économique de plusieurs interventions politiques, dans le cas d'un marché du travail segmenté, et en particulier sur la diminution des coûts de licenciement liés aux CDI, l’augmentation de la durée légale maximale autorisée d'un CDD, y compris le nombre maximal de renouvellements, l’introduction de différentes contributions sociales de la part de l’entreprise sur CDD ou CDI, ainsi qu’un changement du montant des prestations de chômage.

Le modèle permettra de comprendre l’impact de ces interventions sur plusieurs aspects: la sélection par les entreprises des individus qui  peuvent avoir des différences de productivité en CDD et en CDI, la décision de licenciement selon chaque type de contrat, ainsi que la décision d’investissement en capital humain générique et spécifique, et son impact sur la productivité agrégée.

Ce projet de recherche s’inscrit dans le prolongement du précédent projet financé par la Chaire. Ce premier projet permettait d’analyser l’impact des interventions politiques, mais seulement au niveau du recrutement et de la sélection des individus plus ou moins qualifiés et des entreprises plus ou moins productives entre CDD et CDI. En effet, dans ce modèle, les licenciements étaient supposés exogènes.

Par ailleurs, la façon dont les contrats sont modélisés dans ce premier modèle rendait les CDD beaucoup plus avantageux. En effet, sans autres hypothèses, tous les recrutements se font en CDD. La segmentation entre CDD et CDI apparait donc seulement à la date d'expiration des CDD. Cependant, sur les données, on observe quand même une fraction positive de CDI dans les nouveaux contrats. Pour obtenir un modèle qui soit capable de reproduire la segmentation du marché du travail, il faut donc imposer une hypothèse additionnelle qui rétablit l'arbitrage entre CDD et CDI au moment du recrutement. L'hypothèse suivie ici consiste à imposer que la productivité du même couple individu-entreprise soit inferieure sur un CDD, en comparaison avec un CDI.

Cette hypothèse pourrait se justifier par le fait que l’entreprise et l’individu investissent moins en capital humain spécifique face au capital humain générique, quand la durée du contrat est courte ou temporaire. Le capital humain spécifique comprend les compétences non transférables à un tiers ou à un système de savoir, et le capital humain générique comprend toutes les compétences transférables. En effet, il est beaucoup plus avantageux pour l'employé d'investir en capital humain générique si la durée du contrat est temporaire et la promotion à un contrat permanent incertaine. L'investissement en capital humain générique permet à l'individu d'améliorer ses perspectives de recherche d'emploi une fois son CDD terminé.

Ainsi, le premier projet était particulièrement indiqué pour étudier la structure des salaires entre CDD et CDI : quelle part de l’écart observé entre CDD et CDI est du à la sélection d’agents moins productifs en CDD, à une pénalité de productivité sur les CDD face aux CDI, ou encore, à l’exposition plus fréquente des individus en CDD à des périodes d’inactivité au long de leur carrière ? Est-ce-que la recherche d’emploi alors que l’employé est en CDD aide à réduire cet écart ?

Ce nouveau projet permettra de comprendre la segmentation du marché du travail, ainsi que d’évaluer plusieurs interventions politiques sur un marché segmenté. En effet, ce projet intégrera, comme dans le modèle précédent, la séparation endogène d’appariements, l’accumulation de capital humain générique et spécifique comme un choix des individus, ainsi que la possibilité de négociation des indemnités de départ entre l’entreprise et l’individu en cas de licenciement. Cela permettra une analyse beaucoup plus complète du recrutement, et de la promotion de CDD vers le CDI, notamment.


Membre du projet : Priscilla Fialho

État du projet : terminé (lire le document de travail)